L'eau et le sol sont considérés comme des sources potentielles de mycobactéries non-tuberculeuses (MNT). Parmi les infections humaines causées par les MNT d'origine environnementale, les infections pulmonaires et cutanées sont souvent décrites. Le manque de connaissances sur leur cycle de vie dans l'environnement requiert des outils analytiques, qui ne sont actuellement pas adaptés à ce type d'échantillons. Cette thèse vise donc premièrement à proposer des méthodes de quantification en bactériologie et en biologie moléculaire dans le but de déterminer les sources des MNT dans les bassins versants. Ainsi, la comparaison des méthodes d'isolement de MNT a montré que le traitement au chlorure de cetylpyridininium de l'eau suivi d'une culture en milieu riche supplémenté par un mélange d'antibiotiques (polymyxine B, amphotéricine, acide nalidixique, triméthoprime, carboxy-pénicilline) limitait la croissance des microorganismes interférents et éliminait moins de MNT que les autres méthodes comparées (Radomski et al. 2010, doi: 10.1128/AEM.00942-10). Bien que des espèces de MNT potentiellement pathogènes aient été isolées de l'eau de surface de la Seine en utilisant ces outils bactériologiques, la quantification des MNT ne s'est pas avérée reproductible. En conséquence, une méthode de quantification par polymérisation en chaîne en temps réel (qPCR) a été développée pour énumérer le genre Mycobacterium dans l'eau (Radomski et al. 2010, doi: 10.1128/AEM.02659-09). La nouvelle méthode développée, ciblant l'ARNr 16S, était plus spécifique que les autres méthodes qPCR publiées, ciblant un autre locus de l'ARNr 16S et le gène hsp65 (respectivement 100 % versus 44 % et 91 %). La comparaison des méthodes d'extraction d'ADN mycobactérien a montré que la lyse enzymatique combinée au bromure d'hexadécyltriméthylammonium était la procédure la plus efficace pour énumérer par qPCR les MNT dans des échantillons environnementaux. Ainsi, ces méthodes d'extraction d'ADN et de qPCR ont été utilisées pour étudier des sources de MNT dans des bassins versants.
Dans un second temps, nous avons étudié trois sources potentielles de MNT : une ponctuelle et deux diffuses. Plus précisément, une station d'épuration (STEP) a été choisie comme source ponctuelle de MNT et a été étudiée en temps sec en fonction d'indicateurs de contamination fécale et des paramètres globaux habituellement contrôlés. Les MNT ont atteint 5,52×105±3,97×105 copies/L dans l'eau en entrée de STEP (84 % d'échantillons positifs), n'ont pas été détectées dans l'eau en sortie de STEP après décantation physico-chimique et biofiltration et ont été estimées à 1,04×106 ±1,75×106 copies/g dans les boues de STEP (50 % d'échantillons positifs). La plupart des MNT (98±2 %, correspondant à 2,45±0,78 log10) ont été éliminées par décantation physico-chimique et les MNT restantes (0,74×104 ±1,40×104 copies/L) ont été éliminées par biofiltration (53 % d'échantillons positifs). Ces résultats ont montré également que Mycobacterium, Escherichia coli et les entérocoques intestinaux possèdent des comportements significativement différents conduisant respectivement à trois modèles : hydrophobe, hydrophile et intermédiaire. Concernant les sources diffuses, la densité de MNT a été mesurée dans divers sols ruraux et urbains qui ont été caractérisés par différents paramètres physico-chimiques. Les densités de MNT les plus importantes ont été mesurées dans des sols de forêts tourbeuses (9,27×104±5,00×104 copies/g sec) et dans des sols faiblement urbanisés proches de marécages côtiers (1,71×106±2,85×106 copies/g sec) alors qu'aucune MNT n'a été détectée dans les autres types de sols étudiés. De plus, la densité de MNT a été significativement associée à des sols proches de zones acides et des teneurs fortes des sols en eau, matière organique et fer.
Ces résultats suggéreraient que les MNT sont dépendantes de leur production intra et extracellulaire de chélateurs de fer et indiqueraient que les zones faiblement urbanisées pourraient être impactées par la proximité de marais acides. Afin d'étudier une autre source diffuse, les MNT et d'autres paramètres ont été mesurés lors d'événements pluvieux dans l'eau de surface de la Marne et de ses principaux affluents. Les densités de MNT ont été estimées à 2,16×105±2,36×105 copies/L dans environ 20 % des échantillons d'eau collectés, et elles ne différaient pas entre les zones péri-urbaines et rurales échantillonnées. Nos résultats ont montré que la pluviométrie et la durée de l'évènement expliquaient la diminution du nombre de MNT détectées dans l'eau de surface au cours de l'événement pluvieux de faible intensité (6,6 mm/h de pluviométrie cumulées en 5,5 h). Ces résultats ont souligné que certains affluents de la Marne pouvaient apporter des MNT en temps sec, mais qu'au cours de l'évènement pluvieux suivi les densités de MNT diminuaient. En guise d'amélioration à ces études appliquées, des réflexions sur les défis relatifs à la surveillance des microorganismes pathogènes dans l'environnement ont été explorées. En nous focalisant sur la MNT la plus pathogène, M. avium, nous avons discuté des défis de la détection et de l'énumération et proposé un guide d'adaptation des méthodes médicales aux échantillons environnementaux (Radomski et al. 2011, ed. A. Méndez-Vilas, Vol. 2). Ce guide se présente sous la forme d'un arbre de décision permettant de choisir les outils analytiques les plus appropriés pour surveiller les microorganismes pathogènes dans l'environnement.
De plus, une stratégie in silico de comparaison de génomes bactériens totalement séquencés a été développée dans le but de décrire des nouvelles cibles de détection. L'analyse in silico des génomes totalement séquencés a permis de détecter 11 protéines présentant entre 80 % et 100 % de similarité dans les génomes mycobactériens et moins de 50 % de similarité dans les génomes non-mycobactériens des genres Corynebacterium, Nocardia et Rhodococcus. Sur la base d'alignements des séquences d'ADN de ces cibles potentielles, il a été possible de dessiner des amorces PCR et une sonde pour détecter le gène codant la sous-unité C de la synthase de l'adénosine triphosphate qui semble exclusivement conservée dans le génome mycobactérien. Le développement d'outils analytiques, en particulier la qPCR, a permis de montrer qu'une STEP éliminait efficacement les MNT et que le traitement des eaux usées est nécessaire pour préserver l'eau de surface de cette source ponctuelle de MNT. Il a été mis en évidence que les événements pluvieux diminuent la densité de MNT dans l'eau de surface et que les sols acides sont des sources naturelles majeures de MNT qui pourraient impacter des zones faiblement urbanisées en temps de pluie via le ruissellement. Concernant les réflexions sur la surveillance des microorganismes pathogènes dans l'environnement, l'arbre de décision des outils analytiques appropriés et la nouvelle stratégie in silico de détection de cibles moléculaires pourraient être appliqués pour l'étude d'autres microorganismes de l'environnement.