Les eaux usées sont le miroir de la ville. Elles constituent, en effet, le prisme idéal pour observer l’évolution des activités anthropiques, les habitudes de consommation alimentaire et l’état de santé des populations. C’est tout l’objectif du projet Egout (observations géochimiques des trajectoires urbaines) lancé en 2021 et financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-21-CE03-005) : établir une carte multi-indicateurs de la ville de Paris à travers l’étude des eaux usées mais également des matières qui se déposent dans les réseaux d’assainissement en combinant les expertises en sciences humaines, sociales et environnementales. A ce titre, le SIAAP, à travers son observatoire de la Ville, a été mobilisé pendant 4 ans pour mettre à disposition des échantillons d’eaux usées représentatifs du bassin de population parisien prélevés à Clichy.
La thèse de Camille Asselin, soutenue le 6 juin dernier à l’Université de Paris Saclay et intitulée « Géomatique et géochimie appliquées aux sédiments du réseau d’assainissement de la Ville de Paris : disparités sociales et temporelles à l’heure de l’Anthropocène » s’est plus particulièrement intéressée aux matières solides sédimentées dans les réseaux. En effet, les sédiments amassés dans les 111 bassins de dessablement de Paris, curés tous les 1 à 3 ans, renseignent sur la variabilité spatio-temporelle de nombreux traceurs reflétant le fonctionnement de la ville.
Les zones d’apport des bassins de dessablement ont été délimitées grâce à une méthodologie innovante qui a également permis de les comparer aux données socio-économiques. Avec les données réglementaires acquises depuis 2000, il a également été possible de mettre en évidence la répartition spatio-temporelle des hydrocarbures aromatiques polycycliques et du zinc. Les relevés d’ensablement renseignent, eux, sur le remplissage des bassins.
Vingt-quatre carottes sédimentaires ont été prélevées au sein de 6 bassins de dessablement et permis d’identifier 6 faciès sédimentaires distincts, reflétant des apports différenciés des eaux usées et pluviales. Cinquante composés, parmi lesquels des produits pharmaceutiques, des drogues licites et illicites et des traceurs du bol alimentaire ont été quantifiés pour identifier l’origine et l’évolution des dépôts. Enfin, une approche de datation relative multi-paramètres, utilisant des relevés d’ensablement, l’analyse des macro-restes végétaux et les variations verticales des molécules a permis de reconstruire la chronologie des dépôts sédimentaires.
Ce projet, à l’instar de l’observatoire de la Ville, démontre l’importance de disposer d’outils de surveillance environnementale des eaux usées pour accompagner les acteurs opérationnels en charge de ces questions mais également pour constituer une veille technique et scientifique et ainsi contribuer à l’amélioration de la compréhension du système d’assainissement.