Devenir des micropolluants prioritaires et émergents dans les filières conventionnelles de traitement des eaux résiduaires urbaines des grosses collectivités (files eau et boues), et au cours du traitement tertiaire par charbon actif

MAILLER Romain 2015

Les travaux effectués au cours de ce doctorat, en collaboration étroite avec la Direction du Développement et de la Prospective (DDP) du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP), s’inscrivent dans le cadre de la phase 4 du programme OPUR (Observatoire des Polluants Urbains) et s’intéressent à l’élimination des micropolluants prioritaires et émergents au sein des filières conventionnelles de traitement des eaux, et également au traitement tertiaire par charbon actif. Une partie de ce travail est également dédiée à la contamination des boues résiduaires urbaines par les micropolluants émergents et à leur devenir au cours de leur traitement. Le premier chapitre de ce manuscrit est dédié aux traitements primaires et biologiques conventionnels. Ainsi, les abattements de nombreux polluants prioritaires et émergents ont été déterminés pour la décantation, la décantation physico-chimique lamellaire, les boues activées faible charge et la biofiltration. Les composés hydrophobes et les métaux, les composés organiques volatils et les molécules biodégradables sont plutôt bien éliminés par ces filières. La normalisation des abattements à celui de l’azote a permis de démontrer que la filière décantation physico-chimique lamellaire + biofiltration a une efficacité comparable à la filière décantation + boues activées, bien que plus compacte et opérant avec un temps de séjour hydraulique plus faible.

En complément, l’analyse dans trois effluents de STEP du SIAAP de 55 résidus pharmaceutiques et hormones (PPHs), et de 6 autres polluants émergents, a permis de caractériser finement la contamination de ces rejets par ces composés, et de montrer la forte fréquence de détection à des concentrations supérieures à 100 ng/L de 14 composés. Dans le second chapitre, la présence des micropolluants dans les boues résiduaires urbaines et leur évolution au sein des filières de traitement des boues ont été investiguées. Les campagnes menées ont permis de fournir des données sur cinq types de boues, dont les boues brutes, centrifugées, digérées, séchées et les cakes de boues, et sur quatre procédés de traitement des boues communément utilisés en France (centrifugation, digestion anaérobie, séchage thermique et cuisson + filtration presse). De nombreux composés, dont les alkylbenzene sulfonates linéaires (LAS), alkylphénols, hydrocarbures aromatiques polycycliques, métaux, organoétains, polybromobyphényléthers, polychlorobiphényles (PCBs), phtalates et PPHs, ont été détectés dans ces boues et ce à des niveaux de concentrations variant du µg/kg MS (matière sèche) au g/kg MS. Certains polluants, comme les LAS, métaux ou PCBs, ne sont pas du tout éliminés au cours des traitements des boues, entrainant une augmentation de leur teneur, alors que d’autres, tels que les alkylphénols ou les PPHs, sont abattus partiellement par digestion et séchage thermique. La digestion anaérobie est le procédé qui permet la meilleure élimination de ces composés.

Enfin, la présence de plusieurs composés dans les centrats et condensats indique qu’un transfert a lieu et que la biodégradation et la volatilisation ne sont pas les seuls mécanismes d’élimination. Enfin, le dernier chapitre décrit les performances d’un pilote de traitement tertiaire, fonctionnant avec du charbon actif en poudre (CAP) ou en micro-grain (CAµG), à l’échelle industrielle, au cours de 32 campagnes de mesure. Les résultats ont montré que la plupart des PPHs, alkylphénols, édulcorants, pesticides et parabènes pouvaient être abattus efficacement (> 80%) par du charbon actif en lit fluidisé, à des doses limitées de charbon (10-20 g/m3). Par ailleurs, la dose de charbon influence fortement les performances, que ce soit avec du CAP ou du CAµG. Le CAµG permet d’obtenir des abattements en PPHs comparables au CAP à une même dose (10 ou 20 gCAµG/m3), même si certains composés sont légèrement mieux abattus (5-15%) avec le CAP, probablement par l’action du FeCl3. Cependant, le CAµG a plusieurs avantages opérationnels par rapport au CAP. En particulier, le CAµG est réactivable, facile à utiliser, il fonctionne à des temps de séjour élevés favorisant le développement d’une activité biologique et sans ajout de coagulant/flocculant pour maintenir le lit de charbon. Par ailleurs, ce type de procédé permet l’affinage du traitement des paramètres globaux de qualité des eaux, notamment le CAµG qui retient les MES et élimine totalement les nitrites. Enfin, la corrélation entre performances du procédé et abattement de l’absorbance UV à 254 nm a été établie, indiquant que ce paramètre pourrait être utilisé comme indicateur de performance. La mise en place d’expériences complémentaires en laboratoire a permis de mieux appréhender le processus de sorption sur le CAP. Le lien étroit entre surface spécifique, densité apparente du CAP et abattement des PPHs a été démontré, ainsi que l’importance de la dose de CAP et du temps de contact. De plus, l’impact positif du FeCl3, et l’influence négative de la quantité et de la qualité de la matière organique ont été observés. Cette thèse, qui aborde les problématiques liées aux micropolluants sous l’angle de la STEP, a des retombées opérationnelles évidentes, que ce soit sur la file eau ou boues. Les données et conclusions mises en évidence par ce travail contribueront, à leur échelle, à la meilleure compréhension des micropolluants en STEP et à l’amélioration de leur traitement. En ce sens, l’utilité de ce type de travail ne se limite pas à la communauté scientifique mais s’étend aux gestionnaires et opérationnels dans le domaine de l’eau.

Voir le mémoire de thèse