Au début du 19e siècle, l’assainissement de la Ville de Paris est rudimentaire. Les égouts étant très peu nombreux, ce sont principalement les bras de la Seine qui assurent l’évacuation des eaux insalubres. Cet assainissement balbutiant combiné à une forte croissance démographique engendre une dégradation de la qualité sanitaire des eaux. Les maladies hydriques se propagent alors au sein de Paris.
Face à cette situation, la Ville de Paris favorisera d’abord l’évacuation des eaux sales vers la Seine avant de privilégier leur épandage sur les terres agricoles ; cette solution préservant la qualité de la Seine tout en apportant de la matière organique aux sols. Au début du 20e siècle, l’objectif du «tout-à-l’égout, rien au fleuve, tout à la terre» est atteint pour la Ville de Paris. Cependant, la solution apportée par l’épandage ne permet pas de faire face à l’augmentation des volumes d’eaux usées générés par la ville et, durant la première partie du 20e siècle, la qualité de la Seine se détériore. Des méthodes alternatives aux champs d’épandage sont recherchées. Les traitements centralisés, utilisant les biomasses épuratrices d’ores et déjà étudiées en Angleterre, se dessinent alors comme la solution à mettre en œuvre à l’échelle parisienne. Dès 1940, la première installation permettant le traitement biologique des eaux sera mise en eau sur le site d’Achères (Yvelines, 78). Mais c’est la construction, entre 1954 et 1972, de grands émissaires capables de transporter des volumes importants d’eaux usées jusqu’à la station d’épuration d’Achères qui marquera le passage vers l’ère du traitement centralisé.
Cependant, en 1970, la situation n’est pas encore satisfaisante. Plus de la moitié des eaux usées produites par l’agglomération parisienne est déversée sans traitement dans la Seine. La qualité du fleuve est plus que médiocre, notamment en aval de l’agglomération parisienne où le niveau d’oxygénation est extrêmement faible. Plus de quarante années seront nécessaires, de 1970 à aujourd’hui, pour changer radicalement le visage de l’assainissement francilien. Cette mutation du système d’assainissement francilien va s’opérer en trois grandes étapes.
Entre 1970 et 1980 aura lieu une véritable montée en puissance du traitement industriel, principalement avec l’augmentation forte de la capacité de traitement de la station d’Achères. La période 1980-1990 est, quant à elle, considérée comme une période charnière dans l’assainissement parisien. Cette décennie permettra de poursuivre l’augmentation de la capacité de traitement globale, par la construction d’autres stations d’épuration, mais surtout de préparer, par une recherche expérimentale active, la mutation des stations d’épuration.
Cette mutation qui s’opérera en plus de 25 ans, de 1990 à aujourd’hui, consistera à améliorer la qualité du traitement réalisé sur les usines d’épuration, en passant d’un traitement unique de la pollution carbonée à un traitement complet du carbone, de l’azote et du phosphore, et en privilégiant le déploiement de traitement par culture fixée (biofiltres) dans une recherche de compacité des installations. Cette évolution de l’outil industriel a conduit à une réduction spectaculaire des flux de polluants introduits dans la Seine. Cette réduction des flux a permis la restauration de la qualité physico-chimique de la Seine et l’amélioration de sa qualité microbiologique (Rocher et Azimi, 2016). Aujourd’hui, le niveau d’oxygénation du fleuve est élevé et les concentrations en nutriments azotés et phosphorés beaucoup plus faibles. Le retour d’une importante diversité piscicole dans la rivière constitue d’ailleurs le meilleur témoin de la restauration de la qualité de la Seine; 32 espèces différentes de poissons sont recensées aujourd’hui dans la Seine francilienne contre 3 en 1970 (Azimi et Rocher, 2016). Cet ouvrage vise à mettre en lumière le lien entre les grandes étapes de l’assainissement parisien et l’évolution de la qualité de la Seine, fleuve récepteur de la plupart des eaux traitées en agglomération parisienne. Il s’agit de s’appuyer sur quelques indicateurs clés, tels que les concentrations en oxygène dissous, en carbone organique, en azote, en phosphore ou en bactéries indicatrices de contamination fécale, pour montrer l’amélioration de la qualité de la Seine induite par la mutation de l’assainissement conduite ces 40 dernières années.